CVAE : chronique d’une suppression annoncée, puis reportée à 2030
Annoncée à plusieurs reprises, la suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) est devenue un véritable feuilleton fiscal pour les entreprises françaises. Initialement prévue pour 2024, puis 2027, l’échéance est désormais repoussée à 2030. Pour les dirigeants de TPE, PME et grandes entreprises, comprendre les enjeux de cette taxe et les raisons de ces revirements est essentiel pour anticiper et piloter sereinement leur stratégie financière. Cet article décrypte pour vous la nature de la CVAE, ses évolutions et le nouveau calendrier de sa disparition.
Qu’est-ce que la CVAE ? Un impôt sur la richesse créée
La Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) est l’une des deux composantes de la Contribution Économique Territoriale (CET), avec la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE). Instaurée en 2010 lors de la réforme qui a supprimé la taxe professionnelle, jugée pénalisante pour l’investissement, la CVAE a pour objectif de taxer la richesse produite par les entreprises, c’est-à-dire leur valeur ajoutée.
Qui est redevable de la CVAE ?
Toutes les entreprises ou travailleurs indépendants qui exercent une activité imposable à la CFE et dont le chiffre d’affaires hors taxes est supérieur à 500 000 euros sont redevables de la CVAE.
Il est important de noter que toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 152 500 euros ont l’obligation de déclarer leur valeur ajoutée et leurs effectifs, même si elles ne paient pas l’impôt. Cela permet à l’administration fiscale de collecter des données statistiques et de s’assurer du correct suivi des assujettis.
Comment est calculée la CVAE ?
Le calcul de la CVAE est basé sur la valeur ajoutée taxable de l’entreprise. Cette valeur ajoutée correspond, schématiquement, à la différence entre les produits à retenir (chiffre d’affaires, production stockée, subventions d’exploitation…) et les charges imputables (achats de biens et services, services extérieurs…).
Le montant de la CVAE est obtenu en appliquant un taux d’imposition à cette valeur ajoutée. Ce taux est progressif et dépend du chiffre d’affaires de l’entreprise. Plus le chiffre d’affaires est élevé, plus le taux est important, jusqu’à un certain plafond.
La formule est la suivante :
CVAE = Valeur ajoutée taxable × Taux effectif d′imposition
Le taux d’imposition est lui-même calculé selon des formules qui varient en fonction des tranches de chiffre d’affaires. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, le taux est plafonné.
Les modalités déclaratives : un processus à anticiper
La déclaration de la CVAE se fait par voie dématérialisée. Les entreprises concernées doivent souscrire à deux déclarations :
- la déclaration n°1330-CVAE : déclaration « informative » ;
- la déclaration n°1329-DEF, qui permet de liquider le montant dû.
En général, la déclaration doit être effectuée au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année suivant celle de l’imposition pour les exercices qui clôturent leurs comptes le 31 décembre.
Le paiement de la CVAE s’effectue par télérèglement. Si le montant de la CVAE de l’année précédente est supérieur à 1 500 euros, l’entreprise doit verser deux acomptes :
- Un premier acompte de 50% au plus tard le 15 juin.
- Un second acompte de 50% au plus tard le 15 septembre.
Le solde est ensuite versé au moment de la déclaration de liquidation.
La suppression de la CVAE : un parcours semé d’embûches
Depuis plusieurs années, la CVAE est dans le viseur du gouvernement. Qualifiée d’« impôt de production », elle est accusée de nuire à la compétitivité des entreprises françaises, notamment dans le secteur industriel, car elle ne tient pas compte de la rentabilité et peut taxer des entreprises qui ne réalisent pas de bénéfices.
La suppression de cet impôt a donc été annoncée comme une mesure phare pour favoriser l’investissement et la croissance.
D’une suppression en 2024… à un report en 2027
La loi de finances pour 2023 avait initialement prévu une suppression progressive de la CVAE sur deux ans, avec une disparition complète en 2024. Cependant, face aux contraintes budgétaires, cette trajectoire a été rapidement modifiée. La suppression a d’abord été étalée jusqu’en 2027, avec une baisse progressive des taux chaque année.
Ce premier report avait déjà créé de l’incertitude pour les entreprises, qui comptaient sur cet allègement fiscal pour améliorer leurs marges et investir.
La loi de finances pour 2025 : un nouveau report à l’horizon 2030
Le dernier rebondissement en date provient de la loi de finances pour 2025. Confronté à la nécessité de redresser les finances publiques, le gouvernement a de nouveau repoussé l’échéance. La suppression totale de la CVAE est maintenant fixée à 2030.
Le calendrier de la baisse des taux a été entièrement revu :
- En 2025 et jusqu’en 2027, les taux d’imposition seront finalement maintenus à un niveau plus élevé que prévu initialement.
- À partir de 2028, les taux diminueront progressivement jusqu’à la suppression complète en 2030.
Pour l’année 2025, une mesure spécifique a été introduite pour compenser une baisse de taux qui n’a pu être annulée à temps dans la loi. Une contribution complémentaire exceptionnelle a été créée. Elle correspond à 47,4 % du montant de la CVAE due pour 2025 et devra être versée en un acompte unique au plus tard le 15 septembre 2025.
Ce nouveau calendrier a un impact direct sur le plafonnement de la Contribution Économique Territoriale (CET). Ce mécanisme, qui évite qu’une entreprise ne paie un montant de CET (CFE + CVAE) supérieur à un certain pourcentage de sa valeur ajoutée, voit également sa trajectoire de baisse adaptée à ce nouveau calendrier.
Pour plus de détails sur les modalités de calcul et de déclaration, vous pouvez consulter les informations officielles sur le portail service-public.fr.
Ce feuilleton fiscal illustre la difficulté de concilier des objectifs a priori contradictoires : améliorer la compétitivité des entreprises par des baisses d’impôts et maîtriser les déficits publics.
Pour les dirigeants, cette instabilité réglementaire rend la planification budgétaire et la stratégie d’investissement plus complexes. Il est donc plus que jamais crucial de s’appuyer sur une expertise comptable et fiscale solide pour naviguer dans cet environnement changeant et s’assurer de sa conformité tout en optimisant sa charge fiscale. Se tenir informé et bien conseillé reste la meilleure approche pour transformer les contraintes fiscales en opportunités de gestion avisées.
Télédeclarez simplement
Commencez une télédeclaration